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JOURNAL

j’aie pris le sujet dans la rue et que ce soit un sujet très commun, très vrai, très journalier. Et, du reste, ce peintre me cause toujours je ne sais quel malaise. Samedi 14 juillet.

voiture pour voir la ville pavoisée. Ça m’amuse. Et puis je continue le recueillement d’hier. Avez-vous lu l’Amour de Stendhal ? Je le lis à présent.

Je n’ai jamais aimé de ma vie ou je n’ai jamais cessé d’être amoureuse d’un être imaginaire. Voyons ? Lisez ce livre. C’est encore plus délicat que Balzac, c’est plus véritable, c’est plus harmonieux et plus poétique. Et

cela exprime divinement ce que tout le monde a senti, mėme moi. Seulement, moi, j’ai toujours été trop analyste.

Je n’ai été vraiment amoureuse qu’à Nice, étant enfant, et encore par ignorance. Et puis un entraînement maladif pour cette horreur de Pietro.

Nous allons faire un tour en Je me souviens, le soir, à Naples, toute seule au balcon, écoutant une sérénade, de moments vraiment délicieux ; se sentir transportée et en extase sans objet et sans autre cause que ce pays, le soir et la musique. Je

n’ai jamais retrouvé ces impressions à Paris, ni ailleurs qu’en Italie. Si je ne craignais les on-dit, je me marierais tout de suite avec X… ; je serais libre et tranquille en attendant de reneontrer l’être suprême. Et, d’un autre côté, épouser un monsieur comme tout le monde et qui, n’ayant rien à se reprocher, me rendra malheureuse ou m’ennuiera !…