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JOURNAL

Enfin. Eh bien ! je ne crois pas que j’en aie, mais j’espère que le monde m’en croira… Lundi 10 décembre.

— Matin, sculpture. Après-midi, je peins le corsage et le bouquet de la tête qui rit. C’est une petile gueuse moitié danseuse, moitié modèle, et elle rit drôlement. C’est fini. Au gaz : femme qui lit près d’un piano ouvert. Fini. Si c’élait comme çà tous les jours, ce serait charmant. Mais cinquante inconnus font ce que je fais et ne se plaignent pas que le génie les étouffe. Et si ton génie t’étouffe, c’est que tu n’en as pas ; celui qui en a a la force de le supporter. Le mot génie c’est comme amour, j’ai eu de la peine à l’écrire pour la première fois ; mais une fois écrit, je l’ai employé tous les jours et à propos de tout ; c’est comme pour toutes les choses qui vous paraissent d’abord énormes, effrayantes, inabordables ; une fois qu’on y touche, on s’en donne comme pour se rattraper des hésitations et des frayeurs. Cette spirituelle observation ne me parait pas bien claire, mais il faut que je dépense mon fluide ; j’ai travaillé jusqu’à sept heures du soir, il m’en reste encore, il va s’écouler par la plume.

· Je maigris. Enfin… Que Dieu me soit indulgent ! — un dessin,

Matin, rien ! Après-midi, ébauché une tête de gamine de cinq ans, de profil et qui rit. J’ai l’intention de faire cinq ou six têtes toutes riant. Ça commence par une tête de huit mois, puis la fillette de cette après-midi Puis Armandine (la danseuse de Japhet), de face, en chapeau et pèlerine loutre, avec un bouquet de violettes sur l’épaule. Puis je mettrai un gommeux, en habit et suçant sa canne, pu’s Mardi 14 décembre.