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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Mercredi 2 janvier. Ma tante Hélène, la seur de mon père, est morte il y a huit jours. Paul nous avait télégraphié cette nouvelle. Autre dépêche aujourd’hui : mon oncle Alexandre vient de mourir d’une attaque d’apoplexie. C’est saisissant. Et ce pauvre homme qui adorait sa famille, sa femme qu’il avait fini par aimer à la folie. N’ayant lu Balzac ni aucun romancier peut-être, il ne connaissait pas de phrases toutes faites ; seulement j’ai retenu des choses qu’il disait et qui font que cette mort me fait de la peine. On avait voulu lui faire croire que sa femme accueillait les hommages d’un voisin, et je me souviens de lui avoir entendu dire : Eh bien ! quand même cette infamie serait vraie ! Est-ce que ma femme, que j’ai épousée à quinze ans, n’est pas ma chair, mon sang, mon âme ? est-ce que nous ne sommes pas un ! Si j’avais failli, moi, est-ce que je ne me pardonnerais pas ? Comment pourrais-je ne pas pardonner à ma femme ; mais c’est comme si, pour me punir moi-même, je me crevais les yeux ou me coupais un bras !