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1603. septembre.

dit Des Estans, en se jettant a mon cheval, se perça la jambe de mon espée, que j’avois laissée pendue a mon bras, pour me saisir des resnes.

Sur ces entrefaites Mr le prince de Jainville, quy suyvoit la victoire, me voyant en cet estat, me creut blessé, et s’en vint a moy, quy remontay en diligence sur un autre cheval, et poursuivis les Turcs jusques a l’eau. Puis nous revinmes au lieu ou estoit le Rosworm et autres chefs, assis sur des Turcs morts ; quy me voyant me voulut parler devant tous ces messieurs, et apres m’avoir loué de m’avoir veu bien faire, et que je ne serois pas de la maison d’ou j’estois issu sy je n’estois vaillant, il me dit en suitte : « Feu Mr de Bettstein, vostre pere, a esté mon maitre, mais il m’a voulu faire indignement mourir. Je veux oublier ce dernier outrage pour me ressouvenir de la premiere obligation, et estre desormais (sy vous voulés), vostre amy et vostre serviteur. »

Allors je descendis de cheval et le vins saluer, et l’asseurer de mon service, avesques les paroles plus efficaces dont je me peus imaginer. Puis il se retourna vers les deux princes, de Jainville et landgraf de Hessen, et les colonels et autres officiers quy estoint la, et leur dit : « Messieurs, je ne saurois faire cette reconciliation et nouvelle asseurance d’amitié avesques Mr de Bettstein en meilleur lieu, apres une meilleure action, ny devant de plus nobles tesmoins. Je vous prie tous demain a disner, et luy aussy, pour la reconfirmer. » Ce que nous luy promismes.

Lors nous nous assismes, Mr de Jainville et moy, comme les autres, sur les corps de ces Turcs morts, et appris pour lors une chose que depuis j’ay connue