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journal de ma vie

campés sous Saint André, quy fut le dimanche 27e, ils vindrent quelque vingt mille chevaux a une lieue pres de nostre armée, et s’estans mis dans une plaine proche d’une montaigne quy les couvroit de nostre veue, ils envoyerent cinq cens chevaux a l’escarmouche pour nous attirer dans leur embuscade, dont un Hongrois quy demeuroit proche de la nous vint advertir ; ce quy fut cause que nous continuames l’escarmouche tout le jour sans nous advancer lors qu’ils faisoint semblant de fuir.

Nous demeurasmes campés sans rien faire, proche de Saint André, jusques au mardy 5e de novembre[1], que le general partit a soleil couché avec cinq mille chevaux, et s’en vint droit a Bude toute la nuit ; et arrivasmes a la pointe du jour en la ville basse de Bude, quy n’est point fermée, ou l’on avoit donné avis au general que quantité des principaux Turcs de l’armée estoint venus loger. Nous donnasmes jusques aux escuries du roy sans rencontrer personne que de pauvres habitans hongrois ; seulement trouvasmes nous dans les bains quelque trente Turcs quy furent tués comme ils se baignoint. Mais en nous retournant l’artiglerie de la ville et du chasteau nous salua rudement, et tua dix ou douse reitres. Nous nous en revinmes au camp de Saint André, ayant enduré cette nuit la un tres grand froid.

Or la coustume des armées turquesques quy viennent faire la guerre en Europe, est de ne camper pas plus longuement que jusques au jour de la Saint Mar-

  1. Le mardi était le 4 novembre.