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journal de ma vie

cher, nous crierent que nous prissions garde a nous. Allors le Rosworm se saisit de son espée, et moy de la mienne, que nos laquais portoint devant nous ; et sans les tirer des fourreaux, nous regardions que l’on ne saisit pas la bride de nos chevaux : ce que un sergent ayant voulu faire a moy, le Rosworm luy donna de son espée avec le fourreau sur la main de telle sorte que, le fourreau s’estant coupé, il blessa bien fort le dit sergent a la main. Allors plus de deux cens sergents se mirent sur nous ; et nous deux, de nostre costé, mismes nos espées nues à la main, lesquelles ils esvitoint : mais a chaque passade que nous faisions, ils nous deschargeoint de grands coups de hampes de hallebarde sur les reins et sur les bras : ce qui dura quelque temps, jusques a ce qu’un chef de justice sortant de la maison de ville, haussa son baston (que l’on nomme regiment) ; allors tous les archers mirent leurs hallebardes en terre, et le Rosworm (quy sçavoit la coustume), y jetta aussy son espée, et me cria que je jettasse aussy vistement la mienne ; ce que je fis : autrement j’eusse esté desclaré rebelle a l’empereur, et pour tel, puny. Allors Rosworm me pria de parler quand le juge nous interrogeroit, affin que l’on ne le connut point. Il me demanda quy j’estois, et luy ayant dit sans desguiser, il me demanda quy estoit mon compagnon ; je luy dis que c’estoit Rosworm. Allors il nous fit de grandes excuses ; et le Rosworm quy estoit bien marry de ce que je l’avois nommé, quand il vit qu’il ne s’en pouvoit plus desdire, se desmasqua en collere, menaçant le juge et les sergents de les faire rigoureusement chastier, et qu’il s’en plaindroit a l’empereur et au chancelier : eux tascherent le mieux qu’ils peu-