cette longue captivité qui ne devait se terminer qu’après la mort du cardinal. Un chagrin plus amer allait encore se joindre au chagrin de son emprisonnement : la princesse de Conti, cette femme aimable et spirituelle avec laquelle l’unissait un mariage secret, venait d’être éloignée de la cour ; deux mois après, elle mourait au château d’Eu, succombant à la douleur de la séparation : le poète Malleville l’atteste dans l’élégie qui commence par ces vers :
Quand Armide eut appris qu’un funeste séjour
Luy retenoit l’objet qui causoit son amour,
Et que le beau Daphnis, la gloire des fidelles,
Perdoit la liberté qu’il ostoit aux plus belles,
Elle accusa les Dieux d’un si prompt changement
Et d’un si rude coup eut tant de sentiment,
Que dessus un papier tout moite de ses larmes
Elle imprima soudain ses mortelles alarmes,
Deschargea sa colère, et de sang et de pleurs
Fit ce mourant tableau de ses vives douleurs :
Daphnis, le seul objet qui reste en ma mémoire,
Mon désir, mon espoir, ma richesse et ma gloire,
Si ce triste discours qui confirma ma foy
Peut forcer les prisons et passer jusqu’à toy,
Entends ce que l’amour m’oblige de te dire,
Et de quelques soupirs honore mon martyre.
Enfermé dans la Bastille, Bassompierre ne fit pas entendre
une plainte : il chercha plutôt, par ses paroles et par ses
actes, à fléchir la rigueur du tout-puissant ministre. Ainsi,
quand il se décida à vendre sa charge, il insista pour qu’elle
tombât entre les mains d’un parent de Richelieu ; il protesta
vivement lorsqu’il pensa qu’on pouvait le ranger parmi les
mécontents ou parmi les adversaires du cardinal ; il prêta sa
maison de Chaillot à ce dernier toutes les fois qu’elle lui fut
demandée ; enfin, ce qui l’honore davantage, lorsqu’en 1636
la France fut envahie, il s’offrit noblement à servir comme
un loyal soldat. Tout fut inutile. Les personnages les plus
considérables sollicitèrent sa liberté ; les poètes s’intéressè-