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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/239

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1608. octobre.

Apres que nous eumes fait bonne [chere], et que nous nous fusmes levés de table, il nous fit seoir en sa ruelle, et fit sortir tout le monde, commandant a Ranchin de se tenir a la porte, et la refuser a tous ceux quy voudroint entrer. Nous ne sçavions ny ne nous doutions pas seulement de ce qu’il vouloit faire. En fin, apres que toutes choses furent en l’ordre qu’il desiroit, il nous dit :

« Messieurs, il y a longtemps que je pense a vous assembler pour le sujet present, comme de mes plus chers et meilleurs amis, ausquels je n’ay rien sur le cœur quy vous puisse estre caché, pour vous dire que j’ay receu, pendant ma vie, d’infinies graces et faveurs de Dieu quy, m’ayant fait naitre d’un pere grand et illustre, m«a conduit par la main, durant une longue et heureuse vie, au sommet des plus grands honneurs, charges, et dignités. Ce n’est pas qu’elle n’ait esté souvent entremeslée de grandes traverses et desplaisirs, partie desquels, par la grace de Dieu, j’ay soufferts avesques patience, ou surmontés avesques courage et generosité : les desordres avenus a nostre maison sur la fin de la vie du roy Charles et durant le regne du roy Henry troisieme, m’ont donné moyen d’exercer la souffrance, et de louer Dieu de m’en avoir sy heureusement tiré : j’ay eu aussy plusieurs afflictions domestiques, comme la perte de feu mon fils d’Offemont[1], et la mort de feu ma femme[2], quy me

  1. Hercule de Montmorency, comte d’Offemont, fils aîné du connétable Henri de Montmorency et d’Antoinette de la Marck, sa première femme, mort sans alliance en 1591.
  2. Le connétable parle ici de sa seconde femme, Louise de