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journal de ma vie

sompierre, ces meschants m’ont fait quitter ces princes[1] et les mespriser, m’ont fait aussy abandonner et negliger les ministres, et puis, me voyant desnuée d’assistance, veulent empieter mon autorité, et me ruiner : voyla qu’ils me viennent insolemment de demander le Chasteau-Trompette pour Mr  le Prince, et ne sont pas pour en demeurer la ; mais sy je puis, je les en empescheray bien. » Je luy dis lors : « Madame, ne vous affligés pas : quand vous voudrés, je m’asseure que vous raurés ces princes et ministres a vostre devotion ; pour le moins faut-il tenter les moyens de le faire. » Elle me dit : « Je ne vous puis pas parler davantage ; mais trouvés vous a la fin de mon disner, et cependant je penseray a quelque chose. »

Cela dit, elle retourna avesques une telle gayeté, et riant[2], devers la compagnie, que l’on n’eut sceu juger qu’elle eut aucune tristesse, ny qu’elle eut pleuré, et les entretint jusques a ce qu’ils s’en allerent, lors qu’elle se mit a table.

Je fis semblant de m’en aller aussy avesques eux, et ayant trouvé Mr  de Guyse au bas du degré dans la court, quy ne vouloit pas monter cheux la reine, puis qu’il estoit venu sy tard, je luy dis : « Eh ! bien, Monsieur, faites vous en fin revenir le pauvre la Rochefoucaut ? Car il mourra, s’il faut qu’il passe le temps de la foire de Saint-Germain a Onsain[3]. »

  1. Les princes de la maison de Guise.
  2. Il y avait dans les précédentes éditions : écriant.
  3. Onzain, village du canton d’Herbault, arrondissement de Blois (Loir-et-Cher).