Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
334
journal de ma vie

çant a tout ce qu’il se pourroit estre obligé precedemment, forcé par le mauvais traitement, le mespris de Sa Majesté, et la croyance que l’on ne pouvoit avoir acces vers elle que par le moyen de Mr  le Prince et ses consorts. Il luy supplia que, pour les raysons prealleguées, elle ne luy tesmoygnat pas, par sa bonne chere, qu’il se fut entierement reuny avec elle, et qu’elle luy fit dire par madame sa sœur, ou par moy, ou quy il luy plairoit, ce quy seroit de ses volontés.

Cela fini, la reine fit semblant de s’en aller refraischir en son petit cabinet, et alla parler à Mr  d’Espernon, lequel, sans s’amuser aux plaintes ni aux reproches, a quoy elle s’attendoit, luy fit tant de summissions et tant de protestations de son fidelle service, que la reine en fut toute confuse, et sy satisfaite qu’elle revint peu de temps apres avec un visage joyeux et content. J’estois aupres de la porte de son petit cabinet, parlant a madame la princesse de Conty, quand elle sortit. Elle nous dit : « Voicy peut-estre la plus grande et la plus penible journée que j’aye eue de ma vie, et my pare que c’est une comedie ou il y a eu molto intrigue, et a la fin c’est toute paix et toute resjouissance. » Madame la princesse de Conty luy dit : « Dieu soit loué, Madame, que tout reussisse a vostre contentement, et que vous soyés satisfaite de mon frere, et de mes amis, comme Mr  d’Espernon. » Elle luy dit : « Pourquoy ne nommés vous aussi Bassompierre, quy y a tant travaillé, et sy bien qu’il ne sera jamais que je ne le reconnoisse, et face pour luy ? Et vous serés tesmoin que je luy promets un estat de premier gentilhomme de la chambre du roy, quand je le devrois acheter de mes propres deniers. » Je luy rendis tres humbles graces,