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1613. mai.

reine preoccupée par mes ennemis n’aye les oreilles bouchées a mes justifications et qu’elle croye entierement les ministres. » « C’est a vous, repartis je, a connestre premierement vous mesme, et en suitte la reine ; sy vous ne tenés pas vostre affaire nette, ou qu’il y puisse avoir lieu de vous nuire et perdre, il faut que vous regardiés sy vous vous pouvés sauver par le moyen de l’affection de la reine, dont la source ne tarira jamais vers madame vostre femme : mais sy vous voyés qu’elle ne soit pas assés forte pour vous empescher de tomber dans le precipice, il faut destourner vostre personne de l’occasion et vous mettre en seureté, et de loin plaider vostre cause ou par escritures ou par avocat : c’est le meilleur remede que l’on puisse apporter a vostre mal present ; mais comme il est chimique[1], je ne m’en voudrois servir qu’a l’extremité et en deux seules occasions : l’une, sy mon affaire est trouble (j’entens criminelle), et encores sy, estant criminelle, je jugeois que la reine ne m’en peut ou voulut pas tirer ; l’autre, quand mesme elle ne le seroit pas au fond, sy vous jugiés vos ennemis sy puissans que leurs artifices la peussent rendre telle ; en ces deux cas l’esloignement est le gain de cause ; et affin que vous connoissiés quel amy je vous suis, et que je ne vous donne pas de conseils ausquels je n’y preigne bonne part, en cas que vous vous y resolviés, je m’offre de vous y assister, d’estre de la partie, et

  1. C’est-à-dire violent. — « Le médecin chimique, spagirique et empirique est celui qui se sert de remèdes violents tirés des minéraux avec le feu. » (Dictionnaire de Trévoux).