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journal de ma vie.

pour nous loger a Monceaux, quy n’estoit, en ce temps la, gueres logeable, nous nous devions arrester a Meaux, ou il envoyeroit le soir mesme six carrosses pour ammener avesques nous tout l’esquipage du ballet. Par ainsy je fus frustré de mon attente de le saluer avant ledit ballet. Nous nous habillames donc a Meaux, et nous mismes avesques la musique, pages, et violons, dans les carrosses quy nous avoint menés, ou que le roy nous envoya, et dansames ledit ballet, apres quoy, comme nous ostames nos masques, le roy se leva, vint parmi nous, et demanda ou estoit Bassompierre. Allors tous ces princes et seigneurs me presenterent a luy pour luy embrasser les genoux : il me fit beaucoup de caresses, et n’eusse jammais creu qu’un sy grand roy eut eu tant de bonté et de privauté vers un jeune homme de ma sorte. Il me prit, puis apres, par la main, et me vint presenter a madame la duchesse de Beaufort[1], sa maitresse, a quy je baisay la robbe ; et le roy, affin de me donner moyen de la saluer et baiser, s’en alla d’un autre costé.

Nous demeurasmes jusques a une heure apres minuit a Monceaux, et puis nous en revinsmes coucher a Meaux, et le lendemain a Paris.

Madame la duchesse eut congé du roy pour venir a Paris le voir danser encore une fois cheux Madame,

  1. Gabrielle d’Estrées, fille d’Antoine d’Estrées, marquis de Cœuvres, et de Françoise Babou de la Bourdaisière ; mariée en 1591 à Nicolas d’Amerval, seigneur de Liancourt, duquel elle fut peu après séparée, marquise de Monceaux en 1595, et enfin duchesse de Beaufort par lettres du 10 juillet 1597.