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journal de ma vie.

gauchit, il fut emporté avesques, et dans la foule le chapeau luy tomba : il voulut demeurer pour le ramasser, comme il fit, et passames a costé de luy en allant donner au faubourg quand avec son espée il ramassoit son chapeau. Je luy dis : « Adieu, Saint Aignan. » Il me respondit baissé comme il estoit : « Adieu, adieu. » Il fut arresté derriere l’esquadron par deux carabins quy suyvoint la victoire, et en ce mesme temps Boyer[1] passant pour nous venir dire quelque chose de la part du roy, il luy cria : « Boyer, je me rends a toy », a quy nous l’avions adjugé sur ce que Saint Aignan nous dit qu’il s’estoit en cette sorte rendu a luy.

Apres que cette cavalerie s’en fut ainsy fuy, nous allames droit au faubourg, et comme nous montions en une petite ruelle quy y va, on nous tiroit toujours forces mousquetades des fenestres, l’une desquelles rompit la cuisse gauche de Mr de Nerestan comme il avoit la droitte levée pour monter le premier degré : il tomba comme un sac tout d’un coup et en criant me dit : « Je suis mort. » Je voulus l’ayder pour le relever, mais y estant arrivé son fils[2], un nommé Lussan[3],

  1. Antoine de Boyer, seigneur de Bandol, fils d’Étienne de Boyer, dit le capitaine, et de Jeanne de Beyran, fut mestre de camp d’un régiment d’infanterie, et gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.
  2. Jean-Claude, marquis de Nérestang, qui fut en 1631 mestre de camp du vieux régiment de son père, en 1633 gouverneur de Casal, et en 1636 maréchal de camp. Il fut tué à la défense de la citadelle de Turin, le 3 août 1639.
  3. Jacques d’Audibert, comte de Lussan, fils de Charles d’Audibert, seigneur de Lussan, et de Marguerite d’Albert.