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journal de ma vie.

la procession de las Cruces[1], quy est certes tres belle. Il y avoit plus de cinq cens penitens qui trainoint de[2] grosses croix, piés nus, a la ressemblance de celle de Nostre Seigneur, et de vingt en vingt croix il y avoit sur des theatres portatifs les representations diverses, au naturel, de la passion. Nous les regardions d’un balcon ou il y avoit deux chaises pour monsieur l’ambassadeur ordinaire et pour moy : et parce que l’ambassadeur de Luques, le prince d’Eboli, et le comte de Chasteauvillain estoint venus avec nous, je ne me voulus mettre en ces chaires pour les laisser debout, et dis a monsieur l’ambassadeur ordinaire qu’il representat nos deux personnes, et que pour moy, je m’irois mettre avesques des femmes quy estoint assises bas au bout du balcon, et leur vins demander place parmy elles et un petit tabouret a m’y asseoir. Elles estoint fort honnestes femmes et quy tindrent a honneur de m’avoir parmy elles : et la fortune voulut que je me rencontray aupres de dona Anna de Sanasare que j’avois veue a Naples vingt et cinq ans auparavant, et nous estions bien aymés. Elle jugeoit bien encores qu’elle m’avoit veu quelque part, mais ne pouvoit s’imaginer où : moy aussy avois bien quelque reconnoissance incertaine de son [visage], mais nous estions tous deux tellement changés qu’il estoit bien difficile de nous reconnestre. En fin nous nous connumes avesques grande joye de l’un et de l’autre ; et elle depuis m’envoya divers presens et me

  1. L’église de Santa-Cruz est voisine de la Calle Mayor.
  2. Il y avait : deux.