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1615. octobre.

response luy laissoit sur les espaules, dis a monsieur le mareschal que ce que Mr  de Pralain luy en mandoit estoit pour recevoir la response qu’il luy venoit de faire, affin de se retirer et dire que sans son commandement (quy n’estoit precis) il eut peu deffaire ces gens enfermés et desja en ses mains ; de sorte qu’il me commanda d’y aller et me chargea d’un double commandement selon ce que je verrois qu’il se fallut retirer ou opiniatrer. J’y allay donc au galop, et Dieu me fit rencontrer par les chemins les Suisses et l’artiglerie quy estoint avancés : je dis au lieutenant de l’artiglerie que monsieur le mareschal luy commandoit de mettre deux bastardes au crochet[1] et les mener au trot a Mr  de Pralain, et dis en mesme temps au capitaine Hessy quy conduisoit le train, qu’il vint courant avec cent hommes a la suitte des deux bastardes, et je continuay mon chemin a toute bride. Je rencontray Richelieu et Vaubecourt quy me montrerent que sy nous voulions seulement faire bonne mine, ces gens de Mr  de Luxembourg estoint perdus, et qu’ils me prioint d’animer Mr  de Pralain ; qu’au reste ils respondoint de leur vie d’empescher l’armée entiere des ennemis le passage du ruisseau, avesques ces deux regimens[2], mais qu’il faudroit faire avancer le canon en diligence. Je leur dis qu’il venoit et que nous aurions a l’heure mesme deux bastardes que j’avois fait avancer par ordre de monsieur le mareschal, lequel suyvoit, et qu’ils les fissent

  1. Les bâtardes étaient des pièces de huit. — Mettre une pièce au crochet, c’est la fixer à l’affût pour la traîner.
  2. Les deux régiments que commandaient, Richelieu et Vaubecourt.