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journal de ma vie.

autres que devant qu’il fut six mois, qu’il luy feroit bien rendre gorge de tant de choses qu’il luy avoit prises. Sur cela je partis de Montauban sans voir le roy, et la premiere nouvelle que j’en eus, fut qu’il avoit esté contraint d’abandonner le pere Arnoux a la haine de monsieur le connestable, mais que je m’asseurasse qu’il n’y avoit rien contre moy. Je ne laissay pas d’en estre en grande apprehension, bien que je puisse dire que toutes les fois que le roy m’avoit parlé sur son sujet, que j’avois toujours rabattu les coups, et que j’avois esté infiniment marry que le roy eut eu cette confidence avesques moy.

Le mardy 23me je fis porter tous les drapeaux des regimens de l’armée a mon logis, a l’instance des capitaines, affin qu’ils fussent deschargés de cette garde, et que celle quy estoit posée devant mon logis servit quand et quand pour la garde des drapeaux. Il arriva que comme Navarre m’envoya les siens par vingt soldats quy les portoint et cinquante quy les accompagnoint, ceux de la ville tirerent sur eux un coup de leur piece de campaigne quy emporta quattre bras droits a quattre des soldats quy les portoint.

Il m’arriva aussy qu’estant a la batterie et m’estant avancé au devant pour remarquer ou reconnestre quelque chose, les canonniers ne pensant pas que j’y fusse, mirent le feu a la piece plus prochaine de moy, dont le vent me porta tres rudement par terre et me laissa un tel bruit dans l’oreille droitte avesques des eslancemens quy m’estoínt insupportables ; et deux heures apres une forte fievre me prit, quy ne m’empescha pas pourtant de continuer ma charge et de faire avancer nos tranchées jusques sur le bord du