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appendice.

tenant de Monsieur le Mareschal de Bois Daulphin en l’armée de Sa Majesté. Ou sont desnommez tous les capitaines tant d’une part que d’autre (Paris, Jean Bourriquant. M. DC. XV).

On voit dans ce récit que « ce brave Capitaine Monsieur de Praslain, hardy comme un autre Brasidas, appuyé de l’authorité de son Roy, marchoit allegrement en ce conflict d’honneur », et que « les autres Capitaines l’ayants en teste n’y alloient aussi froidement : de façon qu’en les voyant aller, il n’y avoit subject de doubter qu’ils n’enfonçassent tout, et n’esbrechassent les resolutions de leurs ennemis. »

La vigueur de la résistance ne fut cependant pas en rapport avec la grandeur de l’effort ; car le même récit ajoute :

« Presque tous ces gens là avoient déja le ventre à la table, et le cœur à piller le bonhomme, ne songeant rien moins qu’à telles visites ny a tels hommes de chambres pour leur apporter le vin de couche et leurs besongnes de nuict : de sorte qu’aussi tost ils perdirent tout courage, et firent faire une chamade par une trompette, et en mesme temps se rendirent, à condition de sortir la vie sauve, avec le baston blanc, faisans serment de ne porter jamais les armes contre le service du Roy : Ce qui leur fut accordé par le sieur de Praslin, la presence duquel ne leur fut un foible canon pour se rendre. Pour tous les chefs il fut arresté qu’ils demeureroient prisonniers de guerre. Voila toute la resistance et resolution de ces gens d’armes, qui bien dissemblables de Granius Petronius, lequel Scipion ayant prins en Afrique dans un des navires de Cesar, et ayant fait mettre en pieces tous les soldats qui y estoient, et luy voulant donner la vie, respondit que les soldats de César n’avoient pas accoustumé de recevoir la vie en don, mais de la donner aux autres : et en disant cela se passa l’espée au travers du corps et se tua luy-mesme. Ceux cy, dis-je, bien dissemblables à ce Petronius, n’attendirent qu’on leur donnast la vie, mais la demanderent sans coup ferir. Ils meritoient de subir la peine des poltrons, portée par la loy de Charondas : laquelle peine estoit qu’ils demeuroient trois jours en place publique en habit de femme. »

Il parait du moins que le profit de l’expédition fut considé-