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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 3.djvu/244

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journal de ma vie.

la France, sy contraire a la ligue, et sy dommageable aux Grisons, que, bien qu’au commencement nous nous fussions persuadé que c’estoit par l’ordre du roy qu’il avoit esté fait, mais qu’il vouloit, pour apaiser ses alliés, montrer qu’il n’en sçavoit rien, nous creumes effectivement qu’il avoit esté conclu contre son ordre. Ce fut ce quy nous obligea de dissuader le roy de l’accepter et ratifier, non plus qu’il n’avoit voulu faire celuy d’Ocaigne, fagotté par le mesme ministre, ny celuy de Rome, fait par le commandeur de Sillery[1].

En ce temps Mr le cardinal de Richelieu estoit indisposé au Petit Luxembourg : le roy nous commanda à nous trois mareschaux, et a Mr de Harbaut, secretaire d’estat, de l’aller trouver le lendemain matin, et cependant de n’en point parler a Mr le prince de Piemont ; de conferer avec mondit sieur le cardinal, lequel l’apres disner viendroit au conseil cheux la reine mere, ou le roy nous commanda de nous trouver. J'avoue que je ne fus jamais plus animé a parler contre aucune chose que contre cet infame traitté, et que j’avois l’esprit tellement eschauffé que je fus plus de deux heures dans le lit sans me pouvoir endormir, projettant une quantité de raysons que je voulois le lendemain produire au conseil contre cette affaire. Mais comme je me levay le lendemain plus rassis

  1. Le traité signé par M. du Fargis à Ocana de Aranjuez, le 3 mai 1623, stipulait le dépôt des forts de la Valteline entre les mains d’un prince catholique, et donnait la liberté des passages. ― Le commandeur de Sillery, ambassadeur à Rome, fut rappelé au commencement de l'année 1624 sur une convention qui accordait au roi d’Espagne la faculté de faire passer par la Valteline les troupes qu’il enverrait d’Italie en Allemagne.