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1622. mai.

fus voir le roy en son quartier, lequel me dit que le lendemain a quattre heures du matin il vouloit venir a nostre tranchée, et que je l’attendisse au commencement d’icelle, a une longue ligne que je fis toute la nuit hausser pour l’y faire arriver en seureté.

Il vint donc le samedy 7me, accompagné de Mr d’Espernon et de Mr  de Chomberg. C’estoit la premiere fois qu’il y estoit jamais venu : il me fit l’honneur de me dire : « Bassompierre, j’y suis nouveau ; dittes moy ce qu’il faudra faire pour ne point faillir » ; a quoy je ne fus gueres empesché, car il fit plus genereusement que pas un de nous n’eussions fait, et monta trois ou quattre fois sur la banquette des tranchées pour reconnestre a descouvert, s’y tenant sy long temps que nous fremissions du peril ou il se mettoit avesques une plus grande froideur et asseurance qu’un vieux capitaine n’eut sceu faire, et ordonna du travail de la nuit suyvante comme s’il eut esté un ingenieur. Je luy vis faire en retournant une action quy me pleut extremement ; car apres estre remonté a cheval, a un certain passage que les ennemis connoissoint, ils tirerent un coup de piece quy passa a deux piés au-dessus de la teste du roy quy parloit a Mr  d’Espernon[1]. Je marchois devant luy et me tournay, apprehendant le coup que je vis venir pour le roy ; je luy dis : « Mon Dieu, Sire, cette balle a failly a vous tuer. » Il me dit : « Non pas moy, mais Mr  d’Espernon » ; et ne s’estonna ny ne

  1. « Le 7e sapmedy a cinq heures monte a cheval et va accompagné du sr du Hallier, capitaine de ses gardes, et de deux officiers : va aux tranchées ou il fust tiré ung coup de piece qui tumba a six pas de luy : donne cent escus aux soldats de ses gardes qui entroint en garde aux tranchées. » (Journal d’Hérouard.)