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journal de ma vie.

mettre de me retirer, ne voulant attirer sa haine et sa colere sur moy.

Le lendemain mardy 7me l’armée vint camper devant la pointe de la Veirou le matin, et l’apres disner elle passa la riviere[1] au dessous de Picacos, et [vint] camper devant le logis du roy quy fut a Villemade[2], a la veue de Montauban. Sur le soir le roy vint voir le campement de l’armée, et l’ayant trouvé a son gré, se mit a me louer devant Mr  le Prince, puis luy dit : « Monsieur, vous estiés hier sans cause en colere contre luy, et vous pourrés sçavoir de Valançay sy Bassompierre avoit rien contribué a son envoy a la guerre. Je vous prie, pour l’amour de moy, vivés bien avesques luy, sur l’asseurance que je vous donne qu’il est vostre serviteur ; et puis sy nous l’avions perdu en cette armée, vous sçavés vous mesme s’il nous feroit faute. » Mr  le Prince luy promit, et le mesme soir il me dit : « Monsieur de Bassompierre, j’estois hier en colere contre vous ; mais j’ay sceu que ce n’estoit pas vous quy aviés envoyé sans mon sceu mes compagnies a la guerre. » Je luy dis lors : « Monsieur, quand c’eut esté par mon induction qu’elles y fussent allées, m’en deviés vous vouloir mal ? L’ay je fait pour vous desservir ? Au nom de Dieu, Monsieur, tenés moy pour vostre tres humble serviteur ; et quand vous aurés quelque chose quy vous desplaira de moy, faites moy l’honneur de me le dire, et sy je ne vous en satisfais, allors faschés vous tout vostre soul, et non devant. »

  1. La rivière d’Aveyron fut passée à gué.
  2. Village du canton de Montauban, entre l’Aveyron et le Tarn.