Page:Bastiat - Proudhon - Interet et principal, Garnier, 1850.djvu/124

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imposer, chez vous, sous votre toit, la même gêne. — Je me suis trompé.

Je me disais : M. Proudhon a un esprit indépendant. Rien au monde ne l’entraînera à manquer aux devoirs de l’hospitalité. — Mais M. Louis Blanc vous ayant fait honte de votre urbanité envers un économiste, vous en avez eu honte, en effet. — Je me suis trompé.

Je me disais encore : La discussion sera loyale. Le droit à une rémunération est-il inhérent au Capital comme au Travail lui-même ? Telle était la question à résoudre, afin d’en conclure, pour ou contre, la gratuité du crédit. Sans espérer tomber d’accord avec vous sur la solution, je croyais du moins que nous nous accorderions sur la question. Mais voici, chose étrange, que ce que vous me reprochez sans cesse avec amertume, presque avec colère, c’est de l’approfondir et de m’y renfermer. Nous avions avant tout à vérifier un PRINCIPE d’où dépend, selon vous, la valeur du Socialisme, et vous redoutez la lumière que je cherche à concentrer sur ce principe. Vous êtes mal à l’aise sur le terrain du débat ; vous le fuyez sans cesse. — Je me suis trompé.

Quel singulier spectacle ne donnons-nous pas à nos lecteurs, et sans qu’il y ait de ma faute, par ce débat qui peut se résumer ainsi :

— Il fait jour.

— Il fait nuit.

— Voyez : le soleil brille au-dessus de l’horizon. Tous les hommes, sur la surface entière du pays, vont, viennent, marchent, se conduisent de manière à rendre témoignage à la lumière.

— Cela prouve qu’il fait jour. Mais j’affirme qu’en même temps il fait nuit.

— Comment cela se peut-il ?

— En vertu de la belle loi des Contradictions. N’avez-vous pas lu Kant, et ne savez-vous pas qu’il n’y a de vrai au monde que les propositions qui se contredisent ?

— Alors, cessons de discuter ; car, avec cette logique, nous ne saurions nous entendre.