Page:Bastiat - Proudhon - Interet et principal, Garnier, 1850.djvu/147

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lations, toutes les religions, le demandeur s’engage envers le bailleur à lui payer, — à perpétuité, — l’intérêt de son capital, terre, meuble ou argent ; il s’inféode, corps et âme, lui et les siens, au capitaliste, et devient son tributaire ad vitam æternam. C’est ce qu’on appelle Constitution de rente, et, dans certains cas, emphytéose. Par cette espèce de contrat, l’objet passe en la possession du demandeur, qui n’en peut plus être dépossédé ; qui en jouit comme acquéreur et propriétaire ; mais qui en doit, à tout jamais, payer le revenu, comme un amortissement sans fin. Telle est l’origine économique du système féodal.

Mais voici qui est mieux.

La constitution de rente et l’emphytéose sont aujourd’hui, presque partout, hors d’usage. On a trouvé qu’un produit ou capital échangé contre un intérêt perpétuel était encore trop de la part du capitaliste : le besoin d’un perfectionnement se faisait sentir dans le système. De nos jours, les capitaux et immeubles ne se placent plus en rente perpétuelle, si ce n’est sur l’État : ils se louent, c’est-à-dire se prêtent, toujours contre intérêt, mais à courte échéance. Cette nouvelle espèce d’usure a nom loyer ou fermage.

Concevez-vous, monsieur, ce que c’est que le prêt à intérêt (loyer ou fermage) à courte échéance ? Dans l’emphytéose et la constitution de rente, dont je parlais tout à l’heure, si la rente était perpétuelle, la cession du capital l’était aussi : entre le payement et la jouissance, il y avait encore une sorte de parité. Ici, le capital ne cesse jamais d’appartenir à celui qui le loue et qui peut en exiger, à volonté, la restitution. En sorte que le capitaliste n’échange point capital contre capital, produit contre produit : il ne donne rien, il garde tout, ne travaille pas, et vit de ses loyers, intérêts et usures, comme 1,000, 10,000 et 100,000 travailleurs réunis ne vivent pas de leur production.

Par le prêt à intérêt, — fermage ou loyer, — avec faculté d’exiger, à volonté, le remboursement de la somme prêtée, et d’éliminer le fermier ou locataire, le capitaliste