Page:Bastiat - Proudhon - Interet et principal, Garnier, 1850.djvu/198

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Que la Banque de France fasse son métier avec prudence et sévérité, comme elle a fait jusqu’à présent ; ce n’est pas mon affaire. Je dis qu’elle a le pouvoir et le devoir de faire le crédit et l’escompte, à ceux à qui elle a coutume de le faire, à 1 pour 100 l’an, commission comprise. M. Bastiat me fera-t-il une fois l’honneur de m’entendre ?

M. Bastiat. « Pour que les billets d’une Banque soient reçus, il faut qu’ils inspirent confiance ;

» Pour qu’ils inspirent confiance, il faut que la Banque ait des capitaux ;

» Pour que la Banque ait des capitaux, il faut qu’elle les emprunte, et conséquemment qu’elle en paye l’intérêt ;

» Si elle en paye l’intérêt, elle ne peut les prêter sans intérêt. »

Moi. Eh bien ! monsieur, la Banque de France a trouvé des capitaux sans intérêts ; elle possède, en ce moment, 382 millions qui ne lui appartiennent pas ; elle en aura, quand elle voudra, le double à pareille condition. — Doit-elle faire payer un intérêt ?

M. Bastiat. « Le temps est précieux. Le temps, c’est de l’argent, disent les Anglais. Le temps, c’est l’étoffe dont la vie est faite, dit le Bonhomme Richard.

» Faire crédit, c’est accorder du temps.

» Sacrifier du temps à autrui, c’est lui sacrifier une chose précieuse : un pareil sacrifice ne peut être gratuit. »

Moi. Vous n’y arriverez donc jamais ! Je vous ai dit, et je vous répirte, qu’en matière de crédit, ce qui fait qu’on a besoin de temps, c’est la difficulté de se procurer de l’argent ; que cette difficulté tient surtout à l’intérêt exigé par les détenteurs d’argent ; en sorte que si l’intérêt était zéro, la durée du crédit serait aussi zéro. Or, la Banque de France, dans les conditions que lui fait le public depuis la Révolution de Février, peut réduire son intérêt presque à zéro : qui de vous ou de moi tourne dans le cercle ?

M. Bastiat. « Ah ! oui… il me semble… je crois comprendre enfin ce que vous voulez dire. Le public a renoncé, en faveur de la Banque, à l’intérêt de 382 millions de billets qui circulent sous sa seule garantie. Vous demandez s’il n’y aurait pas moyen de faire profiter le