l’ouvrier qui portera ses économies à la caisse d’épargnes, ou même qui fera des économies, si l’on commence par déclarer que l’intérêt est un vol, et qu’il faut le supprimer ?
Non, non, c’est là une propagande insensée ; elle heurte la rai-on, la morale, la science économique, les intérêts du pauvre, les croyances unanimes du genre humain manifestées par la pratique universelle. Vous ne prêchez pas, il est vrai, la tyrannie du capital, mais vous prêchez la gratuité du crédit, ce qui est tout un. Dire que toute rémunération accordée au capital est un vol, c’est dire que le capital doit disparaître de la surface du globe, c’est dire que Pierre, Jean, Jacques doivent exécuter les transports, se procurer le blé, les livres, avec autant de travail qu’il leur en faudrait pour produire ces choses directement et sans autre ressource que leurs mains.
Marche, marche, Capital ! poursuis ta carrière, réalisant du bien pour l’humanité ! C’est toi qui as affranchi les esclaves ; c’est toi qui as renversé les châteaux-forts de la féodalité ! Grandis encore ; asservis la nature ; fais concourir aux jouissances humaines la gravitation, la chaleur, la lumière, l’électricité ; prends à la charge ce qu’il y a de répugnant et d’abrutissant dans le travail mécanique, élève la Démocratie ; transforme les machines humaines en hommes, en hommes doués de loisirs, d’idées, de sentiment et d’espérances !
Permettez-moi, monsieur, en finissant, de vous adresser un reproche. Au début de votre lettre, vous m’aviez promis de renoncer pour aujourd’hui à l’antinomie ; vous la terminez cependant par cette antinomie que vous appelez votre cri de guerre : La propriété, c’est le vol.
Oui, vous l’avez bien caractérisée ; c’est, en effet, un lugubre tocsin, un sinistre cri de guerre. Mais j’ai l’espoir que, sous ce rapport, elle a perdu quelque chose de sa puissance. Il y a dans l’esprit des masses un fond de bon sens qui ne perd passes droits, et se révolte enfin contre ces paradoxes étranges donnés pour de sublimes découvertes. Oh ! que n’avez-vous établi votre active propagande sur cet autre axiome, assurément plus impérissable que le vôtre : Le vol, c’est le contraire de la propriété ! Alors, avec