Page:Bastien - Le rêve de Petit Pierre, paru dans L'oiseau bleu, jan à juil 1923.djvu/39

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là, elle reviendrait à vue d’œil. Elle le dit souvent : Il me semble que j’étouffe ici ! C’est sombre ! c’est humide ! si j’avais du soleil et du grand air.

— Mais c’est impossible, pour nous, ajouta-t-il d’un air chagrin.

Mon Dieu ! fit la mère, en joignant les mains. Venez vous-en par ici. Il ne manque pas de bonnes terres à vendre, et nous serions si heureux ensemble. Antoine la regarda un instant avec surprise. Il n’avait jamais songé à cela ; il était trop pauvre pour s’acheter une terre : mais ce désir que sa mère venait d’exprimer répondait tellement au rêve secret de son cœur qu’il en demeurait tout saisi. Il sourit en disant : on ne connaît jamais l’avenir. Si le ciel le veut, ça n’est pas impossible ; ma femme en serait trop heureuse, et moi, je n’ai jamais compris comme ce soir, Joseph, en te voyant ton seul maître sur ta terre, combien j’ai été fou de renoncer à mon indépendance pour des mirages de luxe et de plaisir.

Joseph et sa mère gardèrent le silence. Dans l’amertume même des paroles d’Antoine, ils voyaient tout un monde d’espoirs. Le fermier aurait près de lui un frère, un compagnon qui l’aiderait dans