Page:Bastien - Le rêve de Petit Pierre, paru dans L'oiseau bleu, jan à juil 1923.djvu/67

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— Oui, je me souviens bien de cela, dit Antoine. Il y avait de la tristesse dans la maison, et malgré nos rires et notre insouciance on pleurait le départ de la grande sœur, et l’on se disait tous les deux, tu sais Joseph, que le père et la mère pleuraient toujours et qu’ils ne nous aimaient plus…

— Pauvres enfants… fit la mère.

— Mais la neige qui brillait derrière la vitre, et la tasse de café d’orge que nous faisait la mère Dupéré suffisaient à nous mettre en joie. C’est bien insouciant l’enfance, mais comme il est heureux qu’il en soit ainsi, dit Antoine.

— Alors toujours seule à la maison, après avoir eu tant de rires et de tendresses autour de moi, j’ai cru mourir de chagrin, reprit la vieille maman. Mais Dieu mesure les forces à la douleur qu’il envoie, c’est certain. Et quand tu partis, Antoine, il y a quinze ans, mon cœur se brisa comme autrefois, lorsque la mort avait passé.

— Si j’avais connu tout cela, je ne serais jamais parti, dit Antoine d’un ton plein de sincérité.

Il oubliait qu’alors il était jeune et enthousiaste, et que le récit des infortunes qu’on n’avait pas vues pas plus que les conseils de l’expérience qui fait défaut, n’a