Page:Bastien - Le rêve de Petit Pierre, paru dans L'oiseau bleu, jan à juil 1923.djvu/7

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faisant mes beignes et mes ragoûts ; j’aurais eu trop à faire, aujourd’hui !

— Oui, te voilà bien avancée, maintenant, ma fille, répondit la vieille mère, mon pauvre Toine peut venir, tout est bien préparé.

— Dire que c’est mon beau-frère et que je ne l’ai jamais vu, reprit la jeune femme. Ça fera bientôt quinze ans qu’il est parti, n’est-ce pas ?

— Oui, fit la mère, avec un soupir. Quinze longues années où j’ai pleuré et veillé en pensant à lui. Tout petit, il n’était pas comme les autres ; il cherchait ses aises, le changement, les beaux habits ; et je crois bien qu’il n’a jamais aimé la terre comme nous ! Un soir, je m’en souviens toujours avec chagrin, il nous dit qu’il était résolu d’aller tenter fortune aux États. Le garçon du vieux Toussaint Lajeunesse y avait gagné une belle aisance ; le petit Villeneuve, parti depuis deux ans, était venu se promener chez son père, faraud, et il l’avait si bien entortillé de belles promesses, que mon pauvre Toine en était tout chaviré. Michel lui parla du dommage qu’il ferait à la terre en la privant de ses bras ; il lui dit notre isolement, lui, une fois parti. Vous savez que je n’ai