Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/190

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GINETTE, (surprise et l’arrêtant net d’un geste.)

Pas ça !

DUARD.

Je vous ai déplu ?

GINETTE.

Non, mais ce n’est pas cela qu’il faut dire. Ça, voyez-vous, c’est une musique que j’ai déjà entendue. (Songeuse, elle a l’air de se parler à elle-même.) À force de l’entendre, elle m’inquiéterait terriblement. Elle m’agace. Je ne voudrais pas qu’elle m’éclairât sur moi-même. Ai-je donc tant que cela le pouvoir de susciter et de transformer à mesure que je vais sur la terre ?

DUARD.

Je sais à quoi vous faites allusion, à quel drame de famille et dont je ne suis nullement jaloux. Oui, en effet, vous avez ce pouvoir, Ginette, un pouvoir magique, mystérieux…

GINETTE, (l’interrompt.)

Si c’était vrai, ce que vous dites là, ce serait terrible. (Presque avec colère.) Mais cela n’est pas ! Non, cela n’est pas ! J’en ai assez… Je veux agir, vivre, sans que ma personnalité soit en cause. Comprenez-vous, je veux être une femme quelconque qui n’a aucun pouvoir magique, mystérieux, dépourvue de toute influence occulte ou pas… Je ne veux plus entendre ces phrases, mon ami… Il n’y a plus rien de miraculeux sur la terre. L’heure magique est passée… Soyons des réalistes dans toute l’acception du terme… Vous parliez de certain éclat de rire qui m’a prise un jour après bien des méditations graves, bien des hésitations… Eh bien ! ce qui m’a fait un jour éclater de rire et m’a décidée tout à fait, mieux que tous les arguments, que vous me présentiez avec éloquence,