Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/191

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c’est quand j’ai eu prononcé à voix haute, un jour, dans ma chambre, en m’y promenant de long en large, ce simple mot : sous-préfète !… (Elle sourit.) Je vous demande pardon, je vous offense… je le sens…

DUARD.

Du tout !… Mais expliquez mieux.

GINETTE, (répétant le mot cette fois sans sourire.)

Sous-préfète ! Ce mot bourgeois, calme, appliqué à moi-même, à moi ! ce mot dont j’ai tant ri autrefois, que je trouvais presque ridicule, employé à mon propos, cela m’a paru tout un programme… une nouvelle vocation… J’en ai savouré tout le bourgeoisisme, justement, tout le manque de mystère, de pouvoir occulte… Mon chemin de Damas… à rebours !… Sous-préfète ! ça m’a rassurée sur moi-même et ç’a emporté toutes les hésitations ! (Il la regarde, étonné, un peu inquiet ; elle lui prend énergiquement les mains.) Mon ami, mon grand camarade, je veux vous le dire gravement, comptez sur moi… Oui nous allons faire de belle besogne. Maintenant que la terre et l’humanité vont panser leurs blessures… ah ! dans notre coin, comme deux braves associés, nous allons nous y mettre modestement, doucement…

DUARD.

Pour la vie, Ginette ! Et c’est encore un grand mot !…

(Il lui baise la main qu’il tenait dans les siennes.)
GINETTE.

Alors, ce sera mon quartier général, ici ? Ah ! que j’ai hâte ; que j’ai hâte !… Remuer des papiers, salir le papier blanc, me créer tout un atti-