Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/20

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serait un contresens. Il veut signifier, ce dénouement, que l’orgueil de l’homme a beau dresser perpétuellement sa propre statue le long du chemin, la nature indifférente n’en poursuit pas moins son grand rythme égalitaire, tout à fait étranger à nos cogitations ambitieuses et passagères. Et cette modicité de la parva domus, de notre guenille humaine, soumise à la commune mesure, est-elle laideur, ou, au contraire, dans sa limite en quelque sorte fonctionnelle, l’emporte-t-elle, tout compte fait, sur nos orgueilleuses transfigurations ?

For se che si, for se che no ?

Ni l’un ni l’autre, sans doute, pense l’auteur, derrière le tréteau.

La possession n’est rien sans le Sentiment. Marie du Désert a dit au passeur, qui réclamait un salaire : « Prends mon corps et paye-toi ! C’est ma guenille, je te la donne ! » L’amour commence au sentiment, et quand l’Homme à la Rose s’écrie orgueilleusement : « L’amour, c’est la guerre ! Il ne comporte que deux termes : la victoire ou la défaite », l’auteur murmure tout bas, en coulisse, et pour lui seul (car on ne doit pas entendre la voix de l’auteur, mais seulement celle des personnages) : « Non, l’amour est humilité et charité, ou il n’est rien, ni laideur, ni beauté, ni le bien, ni le mal, rien que le Rythme, le grand Rythme, égal à celui des flots et des astres ! »

H. B.
20 novembre 1920.

Il est à noter que l’Homme à la Rose fut luxueusement et très artistiquement monté par le Théâtre de Paris. La musique de M. Reynaldo Hahn, les costumes harmonieux de Poiret, les