Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 1, 1922.djvu/178

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Écoute un autre cri plus rauque… C’est un steamer qui s’en va… D’autres cris… Ils partent tous en même temps ce soir, comme les cris des coqs qui s’éveillent…

(Il fixe les yeux sur le lointain, — des fanaux s’allument par-ci par-là. — Les bruits d’eau se font plus distincts.)
GRAND’MÈRE (s’avance à la porte de la salle à manger. Elle étend la main.)

Il faut rentrer, mes enfants… Il commence à pleuvoir…

(Elle rentre. On voit la silhouette de l’enfant qui travaille sous la suspension.)
DANIEL.

Tu ne peux pas voir, toi !… Si tu savais… si tu voyais !… Les transatlantiques sont déjà loin… Leur petite fumée doit dépasser à l’horizon comme un cocotier dans le brouillard… Les fanaux des messageries, Marthe !… Ils glissent et éclairent l’eau comme des rails… Brr ! il doit faire froid sur la passerelle des bateaux… Marthe ! Marthe ! ils emportent des dortoirs silencieux… Tu ne peux pas les voir, mais ils s’en vont, au tapotement doux des chaudières… ils rasent les berges… Quand ils seront loin du port, des gens enfonceront leurs