Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 1, 1922.djvu/25

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des ténèbres ; j’imaginai le personnage de Tili, la vieille lépreuse qui rend le genre humain responsable de sa torture et qui souffle la haine universelle à sa progéniture. Dès lors s’éclaira soudainement l’énigme dans le fond opaque de l’histoire.

Qu’on se rapporte aux innombrables travaux sur la littérature populaire et aux quinze ou vingt traductions des chants de la Basse-Bretagne, on verra que la plupart des chansons de tous pays sont dialoguées et empruntent déjà la forme théâtrale. Toutes les littératures semblent avoir débuté par cette forme dramatique, c’est la plus directe et la plus rationnelle. Il y a là une grande leçon, tout en faveur de la Muse tragique. Les premiers rêves de l’humanité se sont exprimés en dialogues : le drame est né avant l’ode.

J’avais horreur de tout ce travestissement que le romantisme a fait de la légende, horreur des tripatouillages prosodiques ou lyriques à la mode. Je ne pardonnais pas à Wagner d’avoir abîmé par trop de verbeuse philosophie le rythme pur et nu de la légende de Tristan et Yseult. Dieu sait qu’à ce moment, c’est-à-dire en 1892, je ne soupçonnais pas que dût un jour venir ce grand simplificateur Claude Debussy, mais ce qu’il a plus tard réalisé en musique, j’aurais voulu le faire un peu en