Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/104

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n’êtes plus les mêmes que naguère, vous autres femmes ?… Est-ce plus simplement parce que le danger de l’heure nous a fait mieux comprendre la destination de l’amour et de la tendresse, mais je sens parce que j’éprouve qu’il y a encore dans l’amour des rayons X qui restent à découvrir… Et quand la découverte est faite de ces rayons invisibles, c’est toute une espèce de rénovation ! En vous aimant comme je le fais, je ne peux même pas savoir s’il entre une partie d’amour physique pour vous ! C’est vrai ! Je vous aime, Ginette, éperdûment, suivant l’ancien terme, mais je vous aime comme on aime l’air pur, l’air vif des sommets, la santé, la marche… C’est un sentiment neuf qui a quelque chose de grand, d’enthousiasmant !

GINETTE.

Ce n’est pas mon influence que vous subissez ! À travers moi vous sentez l’enthousiasme de l’heure que nous vivons.

PIERRE.

Ah ! qu’importe si vous êtes le clairon ! Mais je jure qu’à mesure que vous parlez, qu’à mesure que vous vivez ici, je sens renaître en moi des ferveurs, des juvénilités, des espérances que je n’aurais plus jamais attendues de moi-même. Même quand je boude contre les paroles que vous prononcez, mon cœur vous donne toujours gravement raison : car vous avez toujours raison, Ginette ! Vous m’avez amélioré, vous m’avez inspiré le désir d’un idéal, vous m’avez rajeuni et si vous en avez guéri d’autres de leurs blessures, vous avez fait ici une très bonne œuvre aussi sans vous en douter : vous m’avez guéri de moi-même.

GINETTE.

Faites mieux, faites plus encore, oubliez complè-