Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions, et à mesure que vous les détruisiez, au lieu de la déception que vous croyiez enfoncer en moi, c’était du bonheur, c’était de la joie que j’éprouvais !…

GINETTE.

Pierre ! je vous en conjure, Pierre, vous agissez sous l’empire d’une idée. Elle n’est peut-être pas juste… Il y a plusieurs devoirs, en effet. Je suis effrayée… vous m’épouvantez…

PIERRE.

Et en outre, voyons, voyons, est-ce que ce n’était pas la seule solution ? Il n’y en avait pas d’autres ! Vous parlez de devoir, mais vous ne pensez pas le premier mot de ce que vous dites ! Est-ce que nous ne vivions pas tous deux dans une gêne insupportable ; est-ce que cet amour que j’éprouvais pour vous n’était pas entre nous et ne pesait pas dans toute la maison de son poids de mensonge ? Votre loyauté elle-même chancelait par moments ! Avouez que vous aviez envie de partir quelquefois ?…

GINETTE.

Je regrette de ne l’avoir pas fait ! Si j’avais su !

PIERRE.

Non. C’est moi qui dois partir. C’est moi qui partirai et pour la plus belle des causes ! La maison sera assainie derrière moi. Mais ce n’est là qu’un bien mince espoir en comparaison de celui qui m’anime, Ginette, ma chérie ! Vous m’avez donné la force d’aller à la patrie ! Je vous dois tout ! Rassurez-vous, votre amour n’est pas en cause. C’est fini. Ç’a été ma Jouvence, voilà tout. Maintenant, corps et âme pour mon pays ! Vous m’avez arraché à ma torpeur, j’ai vingt ans, vingt ans au cœur, Ginette ! Je vais me battre ! Oh !