Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/186

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JULIE.

Tu vois ? La porte en tremble encore… Elle a la main si lourde.

DUARD.

Dommage, je regrette de ne pas être arrivé à temps, je n’aurais pas été fâché de la voir. Elle m’avait écrit, je ne lui avais même pas répondu.

JULIE.

Tu devines pourquoi elle était accourue. Ah ! ça n’a pas été long. À peine dans la ville le bruit s’est-il répandu que Ginette s’installait à la sous-préfecture, que celle-là est accourue t’apporter ses félicitations… préalablement roulées dans le venin public.

DUARD.

Alors, ce sera donc toujours la même chose ? Alors, la guerre, des années sanglantes, des années de douleurs atroces, rien n’a pu modifier la vieille petite âme provinciale et potinière ? Non, ce serait trop désolant à penser. Je ne veux pas le croire, Julie !… Il faut avoir foi dans le renouveau de la France, du haut en bas de l’échelle sociale.

JULIE.

L’âme humaine change-t-elle jamais ?… La haine s’est fortifiée même assez confortablement, pendant que le sang des bons coulait !

DUARD.

Eh bien ! il faut lui faire la guerre !… Il faut la forcer à renoncer, à demander grâce !… Ah ! tu vas encore me trouver bien jeune, ma pauvre sœur ! Mais je suis outré, outré, surtout de ce que j’appréhende personnellement… Est-ce qu’il n’y a pas des unions dont la beauté, dont la franchise doivent s’imposer, après des tragédies comme celles que nous venons de traverser ?… Alors, l’amour,