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Scène XII


GINETTE, DEUX DAMES

Entrent deux dames. Une femme d’aspect bourgeois, peu fortuné. Une autre, tout en noir, son voile de crêpe rejeté sur toute la figure, et descendant jusqu’au bas de la jupe, est impressionnante.

GINETTE, (s’asseyant au bureau.)

Asseyez-vous, Mesdames, je suis à vous.

(La femme en deuil fait signe à l’autre de la main qu’elle n’est pas pressée.)
LA DAME.

J’en ai pour une seconde, d’ailleurs, Madame ne me gêne pas du tout. Voilà, je viens pour l’inscription du nom de mon mari. Il n’a pas la place qu’il mérite. Si on inscrit les noms sur le monument, j’ai le droit que…

GINETTE.

Mais, Madame, on observe l’ordre alphabétique. Comment s’appelait votre mari ?

(Elle prend la plume, et elle parle d’un ton très fonctionnaire.)
LA DAME.

Thénard… C’est injuste, l’ordre alphabétique !… Mon mari est mort héroïquement, la croix de guerre, la médaille, trois citations ! Il a droit plus que les autres à…

GINETTE.

Madame, nous n’avons pas de distinctions à faire parmi les soldats tombés au champ d’honneur. Le premier nom par ordre alphabétique est celui d’un humble soldat, Joseph Arnaud, le second, Pierre Bellanger, le troisième, Boutroux, etc…