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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/208

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ah ! quelle conséquence grave serait cet état d’esprit pour la France de demain !… Au seuil de tout… au moment de la reprise des volontés, des espérances ! Allons donc, je ne veux pas le croire ! Votre vie ? mais elle commence !

CÉCILE, (la fascinant toujours du regard.)

Ginette ! Ginette !

GINETTE, (hochant la tête.)

Ma vie ? Voyez… elle ne m’appartient plus… Je l’ai engagée… Je n’avais pas le droit d’en disposer ! Elle appartient à ceux dont j’ai été… l’obligée d’abord, puis ensuite, à ceux que j’ai entraînés, éperonnés vers un idéal… Que voulez-vous ? il y a des vies qui sont inscrites entre deux ou trois années… Ce qui vient après n’a plus la moindre importance !

DUARD.

Ah ! je vous croyais plus d’énergie !

GINETTE.

Mais il m’en faut énormément, pour faire ce que je fais ! J’en ai un fonds inépuisable !

DUARD.

Alors, si c’est vrai, détachez-vous des affligés de la guerre. Entreprenez une vie active, nécessaire, personnelle… Vous en aviez soif…

GINETTE.

Cette vie-là, d’autres s’en chargeront toujours, d’autres qui n’ont pas laissé leur cœur dans la bataille !… Savez-vous bien qu’il y a maintenant tout un peuple immense qui va vivre dans le passé. Le peuple des veuves, celui des pauvres mères, des amantes, tous les cœurs navrés, brisés de tristesse, mais gonflés de gloire ! Au souvenir, tous, tous au souvenir !… C’est leur devoir d’y aller…