Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/303

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RENÉE.

Comme je suis la sienne !…

MADAME DARTÈS.

Tu es ma fille !…

(Un grand silence, un silence terrible.)
RENÉE, (blême.)

Ah ! ça, voyons, voyons… depuis cinq minutes que tu me pousses à bout, c’est à se demander si je perds la tête ! Où veux-tu en venir ?… J’ai tout à coup l’intuition d’une perfidie, mais elle serait telle venant de toi !… Qu’est-ce que tu veux insinuer ?… Pourquoi cette exclamation que tu viens de pousser ?… Je retiens une interrogation monstrueuse.

MADAME DARTÈS, (avec passion.)

Eh bien, ne te demande rien !… Écoute-le simplement comme il vient d’être poussé, ce cri qui me monte des entrailles !… Écoute celle qui te dit : « Viens, ma chérie !… ne me renie pas ! » Pour qu’une mère torturée, désespérée qu’on lui arrache son enfant, en arrive à lui crier ça : « Ce n’est pas ta route !… ta route est avec moi !… » il doit y avoir des raisons irrésistibles !… Viens, ma chérie !… Tu ne peux pas renier de tes parents celui qui des deux est ta chair même… celle qui…

RENÉE, (avec un cri déchirant.)

N’achève pas… non… non !… Dis-moi vite, très vite que ce n’est pas possible… que je comprends mal !… que je suis infâme d’imaginer ce que j’imagine… C’est que ce serait à se jeter par la fenêtre de désespoir et d’horreur !… T’en rends-tu compte ? Alors, ce serait vrai ?… Alors, je… (Un court silence, puis elle pousse un cri atroce et