Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/309

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se compare pas. Toi, tu restes toi-même, tandis que moi… songe… devenir en un instant le fruit de la faute… le produit de cet être falot et vil dont je porte peut-être la ressemblance accablante sur tout le visage !… dans tout mon être !… Quel dégoût. Non… je ne pourrai jamais me faire à cette idée ! Jamais ! Jamais !

DARTÈS.

Enfin, il faut tout de même la remercier de n’avoir pas parlé plus tôt… Je n’ai pas été privé de la joie de la paternité. Songe, si j’avais su ce que je sais quand tu bégayais, quand tu me tendais tes petits bras !…

RENÉE.

Est-ce que je ne te les tends pas toujours de la même façon !

DARTÈS.

Oh ! si… et c’est toujours aussi bon !… Mais je me dis que maintenant, te voici grande, de toute façon l’instant serait venu où je t’aurais perdue… C’était fatal… Le plus beau est passé… le plus doux, tu me l’as donné, le meilleur, tu l’as reçu !… On s’est bien aimé, hein ? nous deux ?…

RENÉE.

Oh ! ce mot au passé !… Que de peine tu me fais… Il est vrai que toi, tu ne m’aimes probablement plus autant depuis que tu sais que je ne suis pas… ta fille !

DARTÈS.

Mais, Renée, je ne t’aimais pas seulement parce que tu étais ma fille !… Mais parce que tu étais toi !…

RENÉE.

Dis, papa, est-ce qu’il pourrait se faire qu’on s’aime moins ?