Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/296

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d’une diminution, à l’idée qu’on est imprudente avec sa bête de tendresse ?

BARNAC.

Continue !… Comment désigner plus tristement l’abîme qui sépare un être jeune et sain de celui qui touche déjà à la vieillesse !… Oui, dis toute la folie de ce couple imprudent et de cet orgueilleux qui défiait la vie !…

MARTHE.

Tiens ! c’était l’été d’il y a deux ans, justement… à Châtel… quand j’ai excursionné dans la montagne… joué au tennis… au golf… Je me suis un peu grisée de nature, de santé… Un jour de promenade, bêtement… (Elle baisse la voix.) Te rappelles-tu le jeune Argentin de l’hôtel ?…

BARNAC.

Saleté !… ordure !… Assez !…

MARTHE, (acharnée à l’aveu, haletante.)

Seulement, par la suite, quand j’ai ressenti à nouveau ces appels des sens, quand je fus fixée, hélas ! sur mon propre compte, je n’ai pas voulu que le cœur eût la moindre place dans ces caprices… Je ne les ai acceptés qu’obscurs, anonymes, afin qu’ils ne laissent pas la moindre trace et qu’ils ne t’atteignent pas. Et avec tout ça je t’aime, je t’adore, Paul… Je te fais du mal, je voudrais ne t’en faire aucun… Ah ! je te disais bien que j’étais un monstre, et que tu avais mille fois raison de me chasser !

(Elle se jette sur la chaise-longue en proie à une crise de désespoir.)
BARNAC.

Maintenant je sens que tu es sincère… et que