Votre main, monseigneur !… Venez.
Scène III
Somme toute, ne regrettons pas l’aventure !… Depuis un mois, je m’étais très surmené ; cela constituera un petit temps de repos très appréciable !… Que d’avantages ne tirerais-je pas d’un sosie… d’un double, qui partagerait mes efforts et à qui je laisserais, de temps en temps, le bénéfice d’une aventure inférieure !… C’est à envisager… Soutenir ma renommée à frais commun avec une ombre !… Une ombre qu’il faudrait choisir, à tout faire, plus jeune et vigoureuse qu’un taureau de Léon… Ce soir, j’ai envoyé mon ombre chez ma belle !… C’est commode, et pas autrement ennuyeux !… Dieu, que les femmes sont absurdes ! Ce jeune Manuel a dix ans de moins que moi ; il est bien mieux fait de visage, incontestablement : elle ne l’a même pas remarqué, bien qu’il se fût placé cent fois sur son passage !… Il a suffi un jour qu’on prononçât mon nom, devant elle, et que je lui lançasse la plus banale des oeillades dans une église pour qu’elle ait perdu la tête et se soit compromise jusqu’à la folie !… J’aurais été laid, qu’elle ne m’en eût pas moins adoré. (Il se regarde dans une vasque.) D’ailleurs, suis-je beau ? Au clair de lune, je perds beaucoup ! Je suis, en tout cas, très inférieur à ma renommée… comme tous les gens qui ont acquis une célébrité, ou qui se sont spécialisés