Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/355

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MARTHE.

Non, je ne t’ai pas menti ! C’est vrai !… Je l’éprouve ! Viens que je te serre encore dans mes bras comme autrefois. Tu verras si je ne t’aime pas !…

BARNAC.

Et peut-être arriverais-tu à t’illusionner quelques heures !… Mais le passé est là qui me crie : « Demain, un jour, la catastrophe surviendrait, plus atroce parce que tu serais plus vieux ». C’est profaner la vieillesse que de vouloir prolonger le désir… Mes résolutions sont prises. Ton appel vient de me décider. Désormais, aucune chair ne m’approchera, pas même la plus douce, la plus tendre qui soit, la tienne…

MARTHE.

Ne me refuse pas… ne laisse pas partir le bonheur que tu tiens dans les mains !…

BARNAC.

Ma pauvre Marthe, tu m’as révélé jadis à quel prix tu obtenais de toi-même la fidélité à ce vieil amant pour qui tu éprouvais une si charmante camaraderie. Quel avenir nous attendrait !… Quelques années honteuses et qui provoqueraient la risée de tout Paris ?… Merci bien !… J’ai reconquis la dignité de l’âge. Le dernier cri de la chair, je viens de le pousser, là. Il ne se renouvellera plus jamais, je te le jure bien !

MARTHE, (accablée, se tordant les mains.)

Mais c’est désespérant !… Moi, qui ai tant d’amour pour toi, en réserve… Il faut renoncer à cet espoir ?… Pourtant, pourtant, si tu voulais… J’ai tellement changé… Essaie-moi, dis ! Essaie !…