Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de quoi nous payer à dîner. On n’était plus acculé à la misère, mais à la faim !

MAX.

Alors, c’est depuis que nous sommes ici, à Nice ? Dis ?… Jusque-là rien ne s’est passé ?… Rien ?… Je veux le savoir !

JESSIE.

Rien, je le jure !… À Paris, tu m’as vue… j’ai subi notre bohème, la galantine et le bistro, la robe raccommodée… sans sourciller… Mais, ici, nous avons voulu sortir de l’horrible ornière… C’est toi-même qui l’as ordonné… Le jeu !… Le luxe !… Le premier mois, la veine nous a souri follement… Ç’a été notre perte, ce coup de luxe et de bonheur, vois-tu !… Le résultat, c’est qu’on n’a plus eu même de quoi payer l’hôtel. Tu n’avais que ce qu’il fallait pour régler les consommations du dancing… Nous étions perdus… Je voyais venir le moment de te quitter ou de me jeter à l’eau… C’est alors que s’est passé le drame… Car ç’a été un drame, entends-tu… un drame affreux !

MAX.

Que s’est-il passé ?

JESSIE.

C’est quand tu es allé trois jours à Marseille… J’ai résumé notre vie, notre longue vie d’une année… J’ai compris tout ce qu’elle avait de momentané… que nous n’étions pas destinés à vivre ensemble, et que l’heure de la séparation avait sonné… Mais quoique l’on soit sûr de l’échéance, on proteste, on s’insurge, on veut se venger de la vie, et la vaincre à force d’amour !… Puisque j’avais fait la folie absurde de partir avec toi, je voulais tout tenter, au moins, pour