Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/263

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JEANNE, (elle se lève brusquement.)

Dis donc, il ne faut pas te mettre en retard à cause de moi. Surtout que tu dois avoir des courses pour tes nouvelles affaires.

(Elle se remet à repasser et à plier son linge.)
GABRIEL.

Ah ! Jeanne, tout ce que tu viens de dire est moins juste que tu ne le penses. Mais pourtant, il y a ceci de vrai que la nature est bien mal arrangée, et que ce soit pour l’un ou pour l’autre, elle a toujours l’air de regretter le bonheur qu’elle vous donne. Ce qu’il y a de vrai aussi, je l’avoue, c’est que les conséquences de notre petite aventure m’ont bouleversé. Dame ! à vingt ans… Depuis lors, je vis mal à l’aise, inquiet… Il me semble que j’ai toujours quelque chose à cacher… Qu’on va deviner… C’est que je ne suis pas un frondeur, moi… Je me connais… J’ai un amour extraordinaire de la paix ! de la régularité… Je ne bats pas en brèche les préjugés ou la sévérité du monde. Au contraire… À nul homme, au début de sa vie, il ne pouvait arriver d’histoire plus déconcertante, plus pénible.

JEANNE.

Pauvre petit, va !…

GABRIEL.

Il faudra me pardonner ou ne pas trop m’en vouloir si tu m’as connu des faiblesses. Tu es très bonne, Jeanne, très… J’ai apprécié, crois-moi, un cœur que je ne m’attendais pas à rencontrer chez une personne de ton âge et de ton rang. Tu as du courage, toi !