Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/132

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que nous devons nous séparer… Aussi bien notre amitié n’avait plus aucun rapport avec ce qu’elle fut autrefois… elle n’avait plus qu’un lien : ma femme…

FÉLIX, éclatant.

Mais, imbécile, imbécile, est-ce que tu ne vois pas que…

ANDRÉ.

Que ?

FÉLIX, s’arrêtant, puis haussant les épaules. Un silence.

Rien… Comme tu voudras, après tout ! Tu as raison, pas d’explications. Il vaut mieux nous séparer, sans plus…

(Il va prendre son chapeau.)
ANDRÉ.

Crois-tu que je ne sache pas qu’il y a près de deux ans que tu es amoureux de Geneviève !

FÉLIX, les poings serrés.

Oh ! assez, s’il te plaît !… Eh bien oui, j’étais amoureux de ta femme, oui, c’est possible, après tout… c’est possible que je l’aime !… Mais sais-tu comment ?… sais-tu depuis quand ?… Il y avait des mois que tu la trompais bêtement avec une actrice… tu rendais malheureuse à plaisir cette pauvre petite femme et je la voyais silencieuse et souriante, au point que je me demandais par quelle grâce elle ignorait encore ta conduite, lorsqu’un soir, vers minuit, je la ramenais en voiture, je ne me rappelle plus d’où, mais tu venais à coup sûr de faire encore quelque chose de pas très glorieux, et nous gardions tous deux une contrainte pénible. Dans un mouvement qu’elle fit vers la portière, sa tête passant probablement au-dessus de moi, je sentis tout à coup sur ma main comme une goutte de pluie… Une larme venait de tomber. Elle était chaude, je me souviens, elle glissa en refroidissant le long de mon poignet… Oh ! le trajet de cette larme, j’en garderai toute ma vie le contact !… Ce qu’elle disait, cette larme,