Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/181

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Pousse-toi dans l’ombre à droite, que les cabots ne nous voient pas, en montant l’escalier… (Ils s’effacent dans l’encoignure à droite.) Chut !

(Les acteurs ne traversent pas la salle ; ils sont passés par le hall, mais on les voit, au fond, monter l’escalier ; on les entend causer haut. Un premier groupe passe composé de deux hommes et de Bouyou.)
UN ACTEUR, bâillant et tenant la rampe de l’escalier.

Allons, ma vieille, on va se pieuter… Tu n’en as pas soupé de Monte-Carlo ?

UN AUTRE.

Il y a de si jolis fonds de décor !… On dirait un quatrième acte…

BOUYOU, avec un accent de dégoût indicible.

Oh ! moi, j’ai horreur de la nature !

L’ACTEUR.

Tu as ton lacet qui passe par ta jaquette, je t’avertis…

BOUYOU.

Tu penses ce que ça m’est égal !

L’ACTEUR.

Et à moi donc !

(Leurs voix s’éteignent. — Un second groupe passe, deux hommes ; l’un des deux est Voiron, l’autre Gillet. Ils paraissent vivement occupés par une discussion. On entend Voiron qui gesticule.)
VOIRON.

Mais non, mon cher, mais non. Tu n’y es pas du tout… La vie, qu’est-ce que c’est ? La réalité, est-ce que ça existe ?… Elle n’existe qu’en tant que nous la traduisons… C’est de la philosophie, ça !

GILLET.

Permets, permets…

VOIRON.

Tu bafouilles, mon vieux. La réalité, c’est celle que je présente au public, que je crée… nom de Dieu ! Un