Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/212

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ISABELLE, se levant aussi.

Nous ne pouvons pas ne pas aller dire adieu aux personnes. Si cela t’ennuie, reste. Je t’enverrai Georges qui n’a pas eu le temps de te parler de toute la journée.

JEANNINE.

Oh ! non. Encore moins !

ISABELLE.

Je suis sûre que tu te trompes sur les sentiments de Georges à ton égard.

JEANNINE, avec une volubilité subite.

Je ne crois pas ! En tout cas, ça n’a pas la moindre importance, là, là !… On fait ce qu’on fait dans la vie, pour soi, sans s’inquiéter de ce qu’en penseront les autres après. S’il fallait seulement compter sur leur reconnaissance, ah ! là ! là ! ça ne vaudrait pas, vrai, de se donner tant de mal !…

(Elle a dit cela si vite qu’on comprend à peine, et puis elle s’arrête net.)
ISABELLE, suffoquée.

Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est que cette divagation philosophique, tout d’un coup ?

JEANNINE.

Je ne sais pas… fais pas attention.

(Elle se blottit dans les bras de sa sœur, yeux clos, avec un petit grognement.)
ISABELLE.

Comme il t’échappe des bribes de phrases par moments, Jeannine, que je n’aime point, pleines d’amertume, bizarres, communes…

JEANNINE.

T’occupe pas… c’est ma moue, c’est quand je fais ma moue !

ISABELLE.

Allons, je ne réussis qu’à t’impatienter.