Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/230

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rien n’était. Il ne faudra pas me le répéter deux fois. Vous conduirez la barque et j’attendrai, patiemment. Arrive que pourra !… soit. Ce que je vous certifie, par exemple, c’est que, quoi qu’il advienne, je ne m’en mêlerai pas ! Jeannine est votre sœur… vous la soignerez à votre guise. Moi, je ne vous suis qu’un étranger ; je n’existe pas. Soyez-en bien avertie et retenez-le, je vous prie !… Je me ferai toujours une vie, d’ailleurs, et vous me donnerez de votre amour ce que vous voudrez… ce que vous pourrez. Je m’en contenterai.

(Il a dit cela du ton d’un homme qui lutte violemment contre lui-même, puis prend son parti. La porte s’ouvre. Madame Heiman sort sur la pointe des pieds.)
MADAME HEIMAN.

Madame !

ISABELLE.

Quoi ? Ça ne va pas ?

MADAME HEIMAN.

Si, si, au contraire. Seulement, elle a une grosse crise de larmes. Je crois que vous pourriez rentrer sans inconvénient. Elle pleure, elle sanglote, elle dit qu’elle ne veut plus vous voir, madame… oh ! des mots d’enfant !

(Elles se sont rapprochées de la porte entr’ouverte. Isabelle regarde avec précaution, puis dit quelques phrases à voix basse à madame Heiman qui rentre, toujours sur la pointe des pieds. Pendant ce temps, Georges s’est assis, nerveux, sur le bras d’un fauteuil. Isabelle descend et vient l’embrasser, les bras au cou.)
ISABELLE.

Allons, votre main, Georges… et courage ! Il ne faut plus rien regretter.

GEORGES, soupirant.

Je vous aimais.

ISABELLE.

Vous m’aimerez. C’est notre bonheur remis à un peu plus tard, mon ami, voilà tout.