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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/242

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ISABELLE.

Tu sais bien que tu ne nous gênes jamais.

JEANNINE, petit air faussement naturel.

Je venais chercher mes jonchets que j’avais oubliés… Je peux ?

ISABELLE.

Jeannine, écoute ici.

JEANNINE.

Quoi ?

ISABELLE lui fait signe de venir.

Ma question quotidienne. Si madame Heiman n’était pas venue déjeuner ce matin, je te l’aurais déjà posée… Je ne voudrais pas t’importuner non plus ; tu es libre… Je te demande seulement : Es-tu dans les mêmes dispositions aujourd’hui que les autres jours ? Tu ne veux pas que nous causions un peu ?… Non ? Ce que j’en dis, tu le sais bien, n’est uniquement que pour ton bonheur.

JEANNINE, les sourcils très écarquillés.

Mais je suis très heureuse, je te remercie, je suis très heureuse comme cela ! Pourquoi ?… Avec tout ce que tu as eu la bonté de m’acheter… mon jeu de géographie, mon Eurêka et mes jonchets, surtout mes jonchets… C’est encore ce que tu pouvais trouver de mieux dans les jeux à un. (Se levant vivement.) Tu permets ? Ils sont là, dans le tiroir, n’est-ce pas ?

ISABELLE, la figure un peu contractée, avec un regard vers Georges qui lit le journal sans bouger.

Je t’achète des jouets pour te forcer à te distraire… à t’occuper manuellement un peu, malgré toi, d’une façon quelconque… Voyons, mon petit, viens entre nous… ici. Je voudrais que tu nous parles.

JEANNINE.

Mais quoi ? Qu’est-ce que tu as ? Je ne comprends pas bien ce que tu veux dire… Il ne faut pas aller jouer ?… c’est ça ?… Attends que je pose cette boîte. Voilà.

(Elle s’assied, les mains aux genoux comme à la classe.)