Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/262

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ne sais jamais s’il faut rire ou pleurer… ou plutôt, j’ai la sensation très nette qu’il faut à la fois rire et pleurer des mêmes choses, car toute chose a une double face, l’une drôle et l’autre… pas très drôle… et je ne sais jamais laquelle est la bonne. Ce n’est peut-être d’ailleurs ni l’une ni l’autre !… En tout cas, je n’ai pas assez confiance pour me laisser pleurer ; c’est pourquoi je commence toujours par sourire… par peur des dieux, avec la juste crainte d’un comique supérieur. C’est plus prudent.

ISABELLE, avec mépris.

Philosophe !

GEORGES, tout d’un coup, il la saisit à pleins bras.

Et puis, ce n’est pas tout ça !… Il y a quelque chose qui me fait tranquille et patient : tes baisers… oui tes baisers à toi, les tiens, ceux que tu m’as donnés, car je te les ai arrachés… car ils ont passé tes lèvres serrées… car il a bien fallu que tu cries ta volupté…

ISABELLE.

Tais-toi !… tais-toi !…

GEORGES.

Ah ! nie-le donc un peu !… j’en ai encore la brûlure et le désir !

ISABELLE.

Tais-toi… je t’en conjure !

GEORGES.

Que m’importe, dès lors ! J’ai le sentiment calme de la victoire, et de l’attente aussi. Pourquoi ne veux-tu pas que je sois heureux, réponds, toi que, si je le voulais, je défierais de sortir de ces bras-là !… Ne te cache pas la tête ainsi, va, lève-la haut… lève-la ! (Il lui relève la tête.) Tu pleures ?

ISABELLE.

Oui, un peu… Tu n’aurais pas dû dire cela… tu as eu tort.

GEORGES.

Oh ! Isabelle !